jeudi 24 juillet 2025

Peuple ou pas peuple ?

"La Palestine n’est pas un pays, c’est une zone géographique, au maximum une région. Comme l’Aquitaine, la Crimée, le Cotentin, la presqu’île de Crozon.

Il n’y a pas plus de peuple palestinien. Un peuple a une histoire, une identité, une spécificité linguistique, politique, etc " 

Xavier Gorce, X, 10 juillet 2025


"Il n'y a pas... de peuple palestinien." Affirmation catégorique et sans nuance. Les Palestiniens ne sont pas un peuple, ils n'ont pas d'histoire et pas d'identité. Circulez, y'a rien à voir.

La notion de peuple n'est ni évidente, ni définitive. On pourrait en discuter à l'infini. Qu'est-ce qui fait un peuple ? Est-ce le pays qui fait le peuple ou l'inverse ? Les Belges sont-ils un peuple, ou un ramassis de francophones et de néerlandophones qui n'ont rien à faire ensemble ? Les Autrichiens au dix-neuvième siècle étaeint-ils un peuple distinct des Allemands, ou juste une partie d'un peuple plus vaste ? (Malheureusement, Gorce n'était pas là pour en décider, ça nous aurait évité plusieurs guerres.) Les Rwandais, les Maliens sont-ils un peuple ? Plus concrètement, ont-ils le droit d'avoir une carte d'identité rwandaise ou malienne ? (J'ai hâte que Gorce légifère, le suspense est insoutenable !) À quel moment précis dans l'histoire les Américains (USA) sont-ils devenus un peuple ? Quid des Algériens ? Quid des Israéliens ? Les juifs de Pologne, du Maroc ou d'Irak constituaient-ils factuellement un peuple d'Israel pré-existant, au sens où on l'entend aujourd'hui, ou cette identité a-t-elle été sinon construite, du moins consolidée et remodelée dans le cadre du projet sioniste ? Je pense encore aux gens qui nous expliquaient doctement que les Ukrainiens ne sont que des Russes fascistes, et l'Ukraine un territoire à dépecer. En parlant de peuple, d'ailleurs, Gorce n'a jamais entendu parler des Tatars de Crimée, conquis au XVIIIe siècle, déportés par Staline, aujourd'hui minoritaires et maltraités par la Russie ?

Et au fait, qu'en pensent les premiers intéressés ? Est-ce à un Français confortablement installé dans une vieille nation établie, de décreter que les Palestiniens sont ou ne sont pas un peuple ?

Les Palestiniens représentent a minima une communauté de destin : naguère aux premières loges du projet sioniste naissant, ils sont aujourd'hui ces Arabes sans État dont aucun État ne veut, ni Israël, ni les États arabes voisins. Peuple ou pas peuple, la question palestinienne reste à résoudre et ne peut pas simplement pourrir indéfiniment. Faute d'État (ou d'États), les Palestiniens sont aujourd'hui des non-citoyens dans un entre-deux intenable. Ils devront bien un jour être citoyens à part entière d'un État (ou d'États) à part entière, réellement souverains. Ils ne peuvent pas rester éternellement l'objet d'un jeu de ping-pong entre États, comme une patate chaude qu'on se refile. Gorce joue évidemment au ping-pong, il renvoie la balle sur le terrain arabe. Quand il s'agit de prendre la terre des Palestiniens, les preneurs ne manquent pas. Par contre, pour ce qui est des populations, non merci, on n'en veut pas, ils sont à vous... Mais des millions de Palestiniens ne vont pas magiquement disparaitre, et ce, quels que soient les efforts du gouvernement israélien pour leur trouver un nouveau domicile en Somalie ou je ne sais où.

J'ajoute qu'attribuer une citoyenneté à une population n'est pas une récompense, un bon point distribué par la maîtresse. L'histoire même du projet sioniste nous apprend cela, entre autres.