mercredi 30 mars 2016

Le poète allemand Heinrich Heine (1797 - 1856) avait une relation douloureuse envers sa patrie. Il fut parmi les premiers à en dénoncer le chauvinisme et l'autoritarisme, à une époque où les Français s'émerveillaient naïvement du romantisme allemand. L'Allemagne lui rendait bien cette ambivalence et ce violent rejet : bien après sa mort, Guillaume II le jugea « le pire saligaud des poètes allemands », ce qui est assez flatteur venant d'un empereur remarquablement obtus, chauvin et rétrograde.

Pour décrire ses sentiments envers la Russie arriérée, à la fois « divine » et « porcine », le poète russe Alexandre Blok parlait d'un « amour qui hait ». Cela s'applique parfaitement à Heine :

« Tout ce qui est allemand me répugne [...] agit sur moi comme un vomitif. La langue allemande me déchire les oreilles. Parfois mes propres poèmes me dégoûtent quand je prends conscience qu’ils sont écrits en allemand. »

Attaqué dans son pays, Heine vécut longtemps en France et épousa une grisette française qui entre autres qualités ne parlait pas allemand et ne connaissait rien de sa gloire poétique.

Inquisiteurs, tes yeux noisette
M’interrogent : « Qui es-tu, et que te manque-t-il,
Homme étranger, homme qui souffre ? »
« Je suis un poète allemand
Renommé dans le pays d’Allemagne ;
Cite-t-on les plus fameux,
Mon nom aussi sera du nombre.
Et ce qu’il me manque, petite,
À plus d’un manque, dans le pays d’Allemagne ;
Cite-t-on les plus cruelles peines,
Les miennes aussi seront du nombre.



J'avais autrefois une belle patrie.
Le chêne
Y croissait si haut, les violettes opinaient doucement.
C'était un rêve.
Elle m'embrassait en allemand, et en allemand prononçait
(On imagine à peine comme cela sonne bien)
Les mots : "Je t'aime !"
C'était un rêve.

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