mercredi 15 avril 2009

Un homme pieux

Le président iranien (décrit par Jon Lee Anderson du New Yorker) semble se complaire dans son rôle de provocateur, rejetant le "mythe" de l'Holocauste, appelant à en finir avec le "régime sioniste" d'Israel, se vantant des progrès faits dans le programme nucléaire iranien. A cinquante-deux ans, il est petit -- un mètre cinquante environ -- et très mince. Il porte une perpétuelle barbe de cinq jours, signe de piété. Ses yeux sont inhabituellement petits et noirs, comme des raisins secs, et profondément enfoncés. Devant de grands rassemblements, Ahmadinedjad est démagogique et sévère, un guerrier sans joie, pointant l'index et agitant les poings. Devant un groupe plus réduit, il projette une gaîté presque inappropriée. Il parle en boucles circulaires du bien et du mal, de l'Est et de l'Ouest, de Dieu et de l'homme, mais ses tortueuses improvisations, à la logique toujours insaisissable, donnent l'impression que ces sujets le dépassent largement.

Il est difficile de dire combien de pouvoir Ahmadinedjad détient réellement dans la structure complexe et opaque de l'Etat iranien, mariage contre nature d'une théocratie et d'une république. Personne n'est plus puissant que le Guide Suprême Ali Khamenei, qui est depuis vingt ans l'autorité religieuse et politique suprême ainsi que le commandant en chef des forces armées. Ahmadinedjad a besoin de l'approbation du Majlis, le parlement, pour passer des lois ; Khamenei peut émettre des fatwa.

Ahmadinedjad est issu d'une famille modeste ; ses parents ont quitté leur petite ville en bordure du désert pour venir habiter à Téhéran, dans un quartier populaire, quand il était enfant. Etudiant en sciences dans les années 70, plutôt sage et conservateur, il s'abstenait de fumer du hashish et de courir après les filles. Séduit par le retour à l'islam, il a en horreur la "crapulence du clan débauché du Shah", dont il juge les excès luxueux responsables de la pauvreté des Iraniens. "Le traître Shah et son clan essayaient d'abolir la foi islamique et les motivations révolutionnaires parmi les étudiants en propageant l'immoralité, la promiscuité et la perversion."

D'abord séduit par Ali Shariati, intellectuel mêlant l'islam au marxisme et à l'anticolonialisme, le jeune Ahmadinedjad devient ensuite un admirateur de Khomeini. Dans son blog présidentiel, il raconte : "Plus je devenais familier avec ses pensées et sa philosophie, plus j'avais d'affection pour ce dirigeant divin, et sa séparation et son absence m'étaient intolérables." A la Révolution, Ahmadinedjad devient un Bassidj, membre d'une force paramilitaire composée de volontaires. Plus tard, il a alterné postes administratifs et enseignement au sein d'une Université purgée par Khomeini de ses "influences occidentales et non-islamiques". A l'université, il est très actif dans l'organisation des Bassidj ; il cause des problèmes aux professeurs et vient en classe avec un keffieh pour montrer sa solidarité avec la cause palestinienne.

Nommé maire de Téhéran en 2003 par un conseil municipal ultraconservateur, élu président de la République islamique en 2005 après avoir été coopté candidat par les poids lourds du pouvoir clérical, il manifeste une simplicité ostentatoire (on raconte qu'il refuse de toucher son salaire de maire, d'habiter son logement de fonction, qu'il a une fois ramassé les poubelles lui-même dans la rue), distribue petites sommes d'argent à la population, promet subventions et emplois. Président, il promet de rendre à l'Iran sa "juste place" dans le monde.

Ahmadinedjad est un mahdiste fervent. Dans la tradition chi'ite, le douzième Imam, ou Mahdi, a disparu au neuvième siècle, caché par Dieu. Son retour, avec Jésus Christ, amènera un paradis sur terre. Cela explique les allusions d'Ahmadinedjad au "promis" et à l' "homme parfait". Un politicien irakien raconte qu'une fois au cours d'une rencontre Ahmadinedjad n'a guère parlé d'autre chose que du Mahdi. La rumeur raconte que le président a des plans pour une super-autoroute et un point de réception à Téhéran, en prévision de l'arrivée du Mahdi.

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