vendredi 10 juillet 2020

Bad traduction: Brodsky


Joseph Brodsky, le Cri du faucon en automne
Иосиф Бродский, Осенний крик ястреба

Le vent du nord-ouest le soulève au-dessus
des collines gris pigeon, lilas, pourpres, rousses
du Connecticut. Déjà il ne voit plus
l'appétissante promenade de la poule
dans la cour de la ferme délabrée,
le chien de prairie sur le sentier.

Étendu sur le courant aérien, solitaire,
tout ce qu'il voit c'est la chaîne des
collines descendantes, la rivière argentée
se frayant un chemin comme une lame vivante,
l'acier dans les encoches des bancs de sable,
accordé avec les perles des bourgades

de Nouvelle-Angleterre. Tombés à zéro,
les thermomètres, lares dans leur niche,
refroidissent, matant l'incendie
des feuilles, les flèches des églises.
Mais pour le faucon, ça n'est pas des églises. Plus haut
que les meilleures intentions des paroissiens,

il plane dans l'océan bleu, bec fermé,
métatarses pressés contre le ventre,
les serres repliées comme un poing,
sentant sur chaque plume le souffle
venu d'en bas, étincelant en réponse
de son oeil, gardant le cap au sud,

vers le Rio-Grande, le delta, vers une foule
de hêtres échaudés, cachant dans une forte écume
d'herbe aux lames pointues,
le nid, la coquille cassée
aux taches rousses, l'odeur, l'ombre
d'un frère ou d'une soeur.

Un coeur enrobé de chair, duvet, plumes, ailes,
battant à la fréquence d'un tremblement,
comme avec des ciseaux, coupe,
mu par sa propre chaleur,
le bleu foncé de l'automne,
l'accroissant du fait de

la tache sombre à peine visible à l'oeil,
point glissant par-dessus la cime
du sapin ; du fait du vide dans le visage
de l'enfant, immobile à la fenêtre,
du couple sorti de la voiture,
de la femme sur le porche.

Mais le courant ascendant le soulève
de plus en plus haut. Dans les plumes ventrales,
froid mordant. Regardant vers le bas,
il voit l'horizon estompé,
il voit comme les treize premiers
états, il voit : des

cheminées s'échappe la fumée. Mais justement le nombre
de cheminées suggère à l'oiseau
solitaire, comment il s'est élevé.
Mais où est-ce que ça m'a amené !
Il ressent une fierté 
mêlée d'alarme. Se retournant sur

son aile, il tombe vers le sol. Mais l'élastique 
couche d'air le ramène dans le ciel,
dans l'étendue glacée, lisse, incolore.
Dans son oeil jaune apparaît une lueur
cruelle. C'est-à-dire un mélange de colère
et d'effroi. Une fois encore

il se renverse. Mais comme le mur la balle,
comme la chute du pécheur retombant dans la foi,
il est repoussé vers le haut.
Lui, qui est encore chaud !
Le diable sait vers où. Toujours plus haut. Vers l'ionosphère,
vers l'enfer astronomique objectif

des oiseaux, dépourvu d'oxygène,
avec au lieu du millet, un gruau
d'étoiles lointaines. Hauteurs pour les bipèdes,
tout l'inverse pour les oiseaux.
Non pas dans sa cervelle, mais dans les cavités des poumons,
il devine : c'est sans issue.

C'est alors qu'il crie. De son bec courbé, en crochet,
semblable au hurlement des Érinyes,
éclate et vole vers l'extérieur
le son mécanique, intolérable,
son de l'acier mordant l'aluminium ;
mécanique, car non

prévu pour aucune oreille :
humaines, celles de l'écureil
s'arrachant au bouleau, du renard glapissant,
des petites souris des champs ;
[?] ce n'est pas ainsi qu'on tire des larmes
à qui que ce soit. Seuls les chiens

lèvent la gueule. Un cri perçant, tranchant,
plus effrayant, plus cauchemardesque que le ré-dièse
du diamant qui coupe le verre,
transperce le ciel. Et le monde un instant
semble tressaillir de cette coupure.
Car là-haut, la chaleur

brûle l'espace, comme ici, en bas,
la clôture noire brûle la main
sans gant. Nous crions : "le voilà,
là !" en voyant là-haut la larme
du faucon, plus la toile d'araignée, propre
au son, vaguelettes

se répandant dans la voute céleste, où
il n'y a pas d'écho, mais une odeur d'apothéose
du son, particulièrement en octobre.
et dans cette dentelle, apparenté à l'étoile,
étincelant, cerclé de gel,
de givre, d'argent

revêtu de plumes, l'oiseau plonge dans le zénith,
dans l'ultramarin. D'ici nous voyons, dans les jumelles,
une perle, un détail étincelant.
Nous entendons : quelque chose là-haut tinte,
comme de la vaisselle cassée,
comme du cristal de Bohème,

dont les fragments, pourtant, ne blessent pas, mais
fondent dans la paume. Et pour un instant
on distingue à nouveau les anneaux, les œillets,
l'éventail, la tache irisée,
trois points, parenthèses, chaînons,
épillets, filaments,

le libre motif de la plume,
carte devenue une poignée de flocons
agiles qui volent sur la pente de la colline.
Et, l'attrapant des doigts, les gamins
se précipitent dehors dans des blousons bigarrés
et crient en anglais : "C'est l'hiver ! L'hiver !"

1975


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